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Les perspectives d’une profession en plein essor : quelles seront les prochaines portes à s’ouvrir

  • Photo du rédacteur: Comité droit notarial de l'Université de Montréal
    Comité droit notarial de l'Université de Montréal
  • 14 avr. 2023
  • 7 min de lecture

Avril 2023 : Thème des perspectives en droit notarial

Par Yulian Tremblay, étudiant.e en droit

Gagnant.e de la 1e place du Concours d'écriture 2023

Blog du CDN | Comité de droit notarial de l'Université de Montréal


Le notaire est un acteur important du système juridique, notamment par sa proximité avec les citoyens et citoyennes. Son champ de compétence étant vaste et diversifié, il agit à titre de conseiller juridique tout au long des étapes de vie importantes d’une personne, de l’achat d’une propriété à la liquidation successorale, en passant par le mariage.


Le notaire : un juriste de proximité

Le rôle du notaire est axé sur la prévention et la conciliation. Il aide ses clients à éviter de futurs litiges en prévoyant avec eux les situations à venir et en les accompagnant lorsqu’elles surviennent. Par exemple, le citoyen aura recours au notaire pour faire un mandat de protection, lequel prévoit le(s) mandataire(s) aux biens et à la personne en cas d’inaptitude. Cet acte simplifiera les démarches nécessaires afin de savoir qui prendra les décisions à la place de la personne inapte. À l’inverse d’un avocat, dans le cadre de sa pratique, le notaire vise à concilier les intérêts divergents de toutes les parties, permettant d’arriver à des solutions gagnantes-gagnantes. En effet, lors d’une vente, le notaire ne représente pas une personne en particulier, mais considère les intérêts de l’acheteur, du vendeur, et du créancier, d’où son rôle de conciliateur.


Par ailleurs, de par sa fonction, le notaire met de l’avant les modes alternatifs de résolution de conflits quotidiennement dans les différents aspects de sa pratique. Le Code de procédure civile (ci-après « C.p.c. »), à sa disposition préliminaire et à son article premier, oblige les parties à considérer les modes alternatifs de résolution de conflit avant de s’adresser aux tribunaux[1]. Ce code érige les modes alternatifs de résolution de conflit au même niveau que la procédure dite traditionnelle dans la solution d’un différend. L’approche de règlement de conflits est intéressante du fait qu’elle s’attarde au conflit dans son ensemble et non pas uniquement à la sphère juridique permettant ainsi d’avoir une solution plus satisfaisante pour les parties[2]. Il peut agir en tant que médiateur ou arbitre impartial pour faciliter la communication et aider les parties à négocier une entente équitable et favorable à tous. Ceci permet d’éviter le processus judiciaire et ainsi de réduire les coûts et les délais particulièrement élevés dans le système de justice actuel. Dans tous ses rôles, le notaire fait preuve d’écoute, d’empathie, de compréhension, et même de créativité.


Le notaire : un nouveau juge

Pour les raisons mentionnées ci-haut, le récent projet de loi 8, adopté lors de la séance du 15 mars 2023 par l’Assemblée nationale, comporte une perspective des plus intéressantes pour la profession notariale[3]. En effet, le ministre de la Justice, Me Simon Jolin-Barrette, a proposé que les notaires exerçant depuis au minimum 10 années puissent accéder à la magistrature des cours du Québec au même titre que les avocats.


L’association du Barreau du Québec s’est positionnée comme étant réfractaire à cette proposition du fait que les notaires n’avaient aucune expérience de plaidoirie[4]. Cependant, cet argument est de faible envergure si l’on tient compte du fait qu’un avocat n’ayant jamais plaidé, par exemple spécialisé en recherche, puisse accéder à un poste de magistrature. Par ailleurs, la formation de l’avocat et du notaire est similaire, puisqu’elle ne diverge qu’après le baccalauréat où l’avocat doit réussir l’épreuve de son association professionnelle (Barreau du Québec) tandis que le notaire doit compléter une maîtrise et réussir les examens de la Chambre des notaires du Québec. En effet, les notaires développent, au cours de leur pratique, une grande expertise en droit civil, en conciliation et en prévention qui peut être des plus bénéfiques au rôle du juge.


Cette proposition entre dans une ligne de pensée des plus conséquentes avec la réalité quotidienne de la fonction de notaire. D’une part, le notaire exerce un rôle impartial et vise à la conciliation des intérêts des diverses parties et de l’autre, il possède une très grande proximité avec les citoyens qui viennent le concerter à propos de leurs problèmes juridiques courants. Les aptitudes et les qualités du notaire font de lui un candidat idéal puisqu’elles se retrouvent dans celles que doit démontrer un juge. Le juriste de l’entente peut ainsi devenir le juge de l’entente et mettre de l’avant ses connaissances en conciliation afin de favoriser un règlement rapide et dans l’intérêt de tous. Le notaire, pouvant aussi avoir le rôle de médiateur ou d’arbitre, pourra favoriser les modes alternatifs avec lesquels il est déjà familier.


Puisque le projet de loi vient tout juste d’être adopté, il faudra porter une attention particulière au travail des notaires en tant que juges à la Cour du Québec et mettre l’emphase sur leur apport positif dans le système judiciaire. En suivant ce raisonnement, dans quelques années, il serait donc logique que les notaires puissent devenir juges au sein des autres instances judiciaires en se conformant au même processus de nomination que les avocats. Dans une perspective plus globale, puisque les juristes sont au service des citoyens, il est de leur devoir d’offrir le meilleur service en diversifiant la magistrature, entre autres, au niveau de leurs expériences et parcours professionnels.


Le notaire : un plaideur potentiel

La porte de la magistrature a été ouverte aux notaires en reconnaissance de leur expertise en conciliation, en prévention, et en résolution des conflits. Selon l’article 9 alinéa 2 C.p.c., ce sont des compétences que partage le notaire avec le juge, qui a pour mission notamment de favoriser la conciliation des parties.Dans cette même lignée, une des prochaines étapes serait d’ouvrir la porte des tribunaux aux notaires en leur permettant de plaider les causes qui découlent de leurs dossiers, et ce pour plusieurs raisons.


Tout d’abord, pour les mêmes raisons mises de l’avant pour permettre aux notaires d’être juges, il devrait être permis de plaider dans les affaires contentieuses. Le nouveau Code de procédure civile de 2016 encourage les parties à tenter de s’entendre non seulement avant de s’adresser aux tribunaux[5], mais tout au long de l’instance, celles-ci pouvant choisir de régler leur litige en ayant recours à un mode privé de prévention et de règlement des différends ou à la conciliation judiciaire à tout moment[6]. Les parties doivent, par ailleurs, coopérer, par exemple dans la rédaction d’un protocole de l’instance[7]. Ces exemples permettent de constater que, en opposition à la dynamique traditionnellement adversative du litige civil, le nouveauCode de procédure civile tente de favoriser l’éclosion d’une nouvelle culture judiciaire dans laquelle les parties sont portées à s’entendre plutôt qu’à se battre[8]. L’expertise du notaire ne peut qu’aider à l’accomplissement de cet objectif, celui-ci étant valorisé notamment pour ses compétences en conciliation. De plus, le notaire étant compétent pour juger des affaires litigieuses devant la Cour du Québec, il est tout à fait logique qu’il soit compétent pour plaider ces mêmes affaires.


Cette possibilité permettrait aussi aux citoyens et citoyennes de bénéficier d’une continuité dans les services juridiques qu’ils reçoivent. Les notaires, juristes de proximité, sont impliqués auprès des gens à plusieurs étapes importantes de leurs vies. Ils jouissent d'un taux de confiance de la population de près de 85%[9]. Or, une fois le conflit judiciarisé, les notaires ne peuvent plus accompagner leurs clients. Par ailleurs, au Royaume-Uni, une distinction existe entre les barristers et les solicitors. Les solicitors sont les avocats de proximité, qui conseillent les citoyens au quotidien. Ils peuvent plaider de manière restreinte devant les cours de juridictions inférieures devant lesquelles ces affaires quotidiennes se retrouvent[10]. Dans le même esprit, il serait logique et avantageux aux citoyens de permettre aux notaires de représenter leurs clients devant les tribunaux.


Conclusion

Les perspectives en droit notarial sont diverses. Outre le notaire généraliste de pratique traditionnelle, ce dernier peut se spécialiser, œuvrer dans un cabinet d’avocat, dans une institution financière, auprès du gouvernement ou encore, occuper un poste de gestion. Cette profession continue de fleurir de façons autrefois inimaginables, le notaire pouvant aujourd’hui être nommé juge à la Cour du Québec.Par cette initiative, le Gouvernement du Québec reconnaît le bénéfice unique de la profession notariale qu’est la proximité avec les citoyens et l’approche préventive et conciliatoire, et l’apporte au sein de la magistrature. Ces aspects propres au notariat peuvent bénéficier à toute cour de justice et à toute étape du processus judiciaire, tout en favorisant l’accès à la justice et le désengorgement des tribunaux. Ainsi, d’autres portes sont certaines de s’ouvrir aux notaires dans les années à venir.


*Des modifications mineures ayant trait aux erreurs grammaticales ainsi qu'à la présentation journalistique ont été apportées à cet article.


[1] Code de procédure civile, RLRQ c. C25.01 (ci-après « C.p.c. »), disposition préliminaire et art. 1. [2] PIERRE-CLAUDE LAFOND, Régler autrement les différends, 2e éd., Montréal, LexisNexis Canada, 2018, p. 7. [3] Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec, projet de loi n° 8 (adopté – 15 mars 2023), 1re sess., 43e légis. (Qc). [4] QUÉBEC, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de la Commission des institutions, 1re sess., 43e légis., 21 février 2023,« Étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec », 15h20 (M. Morin). [5] C.p.c., art. 1 al. 3. [6] Id., art. 19 al.3. [7] Id., art. 20. [8] Rudy LAHER, « La réforme du Code de procédure civile du Québec : une nouvelle culture de l’exécution ? », (2018) 70- 4 Revue internationale de droit comparé, par. 4. [9] Débats de l’Assemblée législative du Québec, 1e sess., 43e légis., 15 mars 2023, 11h20 (M. Jolin-Barrette). [10] Ruth SEFTON-GREEN et Alexandre GUIGUE, « Royaume Uni : Introduction générale au système juridique », coll. « Droit comparé » Irlande (République de), fasc. 10, Paris, LexisNexis, 2015, par. 133-134; “Becoming a solicitor”, The Law Society, <https://www.lawsociety.org.uk/career-advice/becoming-a-solicitor>.

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